Thomas Jefferson, la crise et le traité de Lisbonne.

Plop les bovins,

J’étais de fouineries ce soir et je suis tombé par hasard sur la page Wikipédia de Thomas Jefferson, le troisième président des États-Unis. Ayant fouiné un peu plus, j’ai vu que pas mal de sites relataient une de ses déclarations datant de 1802, qui il faut bien le reconnaître apparaît aujourd’hui comme une prédiction avérée.

          Texte original :

I believe that banking institutions are more dangerous to our liberties than standing armies. If the American people ever allow private banks to control the issue of their currency, first by inflation, then by deflation, the banks and corporations that will grow up around the banks will deprive the people of all property until their children wake-up homeless on the continent their fathers conquered.
Thomas Jefferson (Letter to the Secretary of the Treasury Albert Gallatin, 1802)

           Traduction :

“Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d’abord par l’inflation, ensuite par la récession, jusqu’au jour où leurs enfants se réveilleront, sans maison et sans toit, sur la terre que leurs parents ont conquis”
Thomas Jefferson (1802)

Étrange non ?

Si on regarde de plus près, c’est exactement ce qui est en train de se produire en ce moment même. Nos dirigeants ont laissé les banques et les marchés prendre le contrôle de leur monnaie. On va développer un peu plus histoire de passer le temps. Du moins par rapport à ce que j’en ai compris.

Il faut tout d’abord, bien comprendre une chose importante.

Depuis les années 1970 l’état Français a décidé qu’il allait se financer via les banques et les marchés privés plutôt que de faire appel à sa banque centrale « nationale ». Cette pratique est devenue de nos jours obligatoire au niveau Européen. Merci le traité de Lisbonne dont je vous cite un passage.

Article 123 : « Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées “banques centrales nationales”, d’accorder des découverts ou tout autre type de crédits aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres. L’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite. » L’article 123 reprend l’article 104 du traité de Maastricht, également identique à l’article 181 du Traité Constitutionnel Européen (refusé par le peuple français en 2005 par référendum).

Vous noterez au passage qu’il s’agit du traité que nous avions refusé lors du référendum et qu’on nous à collé en douce par d’autres biais.

En gros cela veut dire quoi tout ça ?

Aujourd’hui, un état endetté auprès des banques privées doit rembourser sa dette et une certaine somme d’intérêts à celles-ci. Jusque là rien d’anormal.

Pour se faire il mise sur une chose primordiale, la croissance. Or comme la croissance est à la ramasse, il n’a pas d’autres solutions que de continuer à emprunter auprès de ses créanciers pour rembourser les intérêts de sa dette et boucler ses dépenses. Et c’est la que ça se gâte.

Vous avez sans doute saisi que je parlais bien de « rembourser les intérêts ». On ne parle même plus de solder la dette dans notre cas. C’est devenu impossible vue que de toute façon, la croissance est trop faible voir nulle et que les déficits se creusent dans le même temps. La spirale infernale est lancée et va bientôt donner raison à Jefferson.

La dette continue donc d’augmenter comme une baudruche, les taux d’intérêts sont de plus en plus élevés et pour que l’état puisse continuer à emprunter, ses créanciers lui ordonnent de mettre de l’ordre dans ses finances. Pour les satisfaire, il va alors adopter une politique d’austérité afin de réduire ses dépenses et d’enrayer ses déficits. Ce sont les fameux plans de rigueur. Les dernières perspectives de croissances s’envolent et à présent  la dette se nourrit d’elle même. Les états se retrouvent alors en récession, au bord de la cessation de paiement voir tout bonnement en faillite.

Pour enfoncer le clou, d’autres états eux mêmes endettés jusqu’au cou vont essayer de les aider (surtout aussi pour ne pas perdre ce qu’ils ont investit dans le pays concerné) et c’est la réaction en chaîne. Car ils vont bien sûr le faire en empruntant de l’argent qu’ils n’ont pas chez les créanciers qui sont déjà en train de les mettre sur la paille (aidés en cela par les agences de notations qui mettent la pression pour faire gonfler les taux).

La totale quoi ….

Une solution pour que l’état endetté puisse sortir de cette spirale, serait qu’il puisse emprunter de l’argent à des taux plus bas, voir même à 0%.

C’est pour cela que vous entendez souvent que le « petit » voudrait bien que la BCE intervienne. Mais voila, le traité de Lisbonne le lui l’interdit et Angela (le Bundestag), elle veut pas.

Alors pour ne pas violer le traité de Lisbonne et ne pas vexer Angela, ils essaient actuellement de faire intervenir le FMI. Ils pourraient ainsi emprunter indirectement de l’argent à la BCE  (à des taux très bas) en le faisant transiter avant par le FMI. Cette méthode est vraiment « très drôle » dans le sens où ils n’ont pas tenu compte de notre avis lors du référendum de 2005, pour en être finalement réduits aujourd’hui, à essayer de contourner les lois qu’ils ont eux même mis en place à ce moment là.

Ce qui est « drôle » aussi dans l’histoire, c’est que les fameux créanciers ne possèdent pas en théorie les fonds suffisants pour avancer des telles somme aux états. Leur fonds propres sont limités. Mais eux peuvent s’affranchir sans problème de ce « petit » détail et gonfler leur trésorerie quasiment à loisir. Et devinez comment ? En empruntant dans les banques centrales. Les même qui sont interdites aux états en vertu du traité de Lisbonne. Magnifique non ?

En gros les fonds propres (l’argent) des institutions privés sont empruntés en partie aux banques centrales. Ils sont ensuite revendus plus cher aux états, qui en payant les intérêts engraissent les dites institutions, qui à leur tour refilent un bout de gras aux banques centrales.

Bref, tout cela est compliqué. Tellement compliqué, que j’ai du mal à croire qu’en 1802 il y avait déjà un gars qui était bien moins con que tous les énarques qu’on se traîne aujourd’hui et qui nous mènent droit dans le mur.

En prônant encore pour certains, « Plus d’Europe » et « Plus d’austérité » pendant qu’ils engraissent les marchés tenus par une poignée d’actionnaires.

Thomas reviens !!!

Moo !!!


3 Responses

  1. Anonymous 29 décembre 2011 / 22 h 49 min

    Article fort intéressant !

  2. Noireaude 29 décembre 2011 / 17 h 00 min

    C’est ce que j’ai cru comprendre du traité de Lisbonne, il ont repris certains points de celui de Maastricht tel quel en effet. Pour Jefferson, je pense qu’à ce moment là il n’a pas eu beaucoup d’autre choix.

    Merci pour ces précisions en tout cas.

  3. giraud jg 29 décembre 2011 / 10 h 32 min

    Le Traité de Lisbonne n’a pas modifié les dispositions du Traité de Maastricht relatives à l’UEM. L’UE ainsi perdu l’occasion de compléter et peut-être de ré-orienter les dispositions actuelles qui se sont révélées, lors de la crise, manifestement inadaptées. Quant à Jefferson,son pré-anticapitalisme ne l’a pas empêché d’accepter la création de la dette fédérale lors du fameux « souper » avec Madison et Hamilton en 1790 . JGGIRAUD

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